mardi 25 septembre 2007

Le débat du mois



Même si je ne suis pas d'accord avec vos idées, je me battrai de toutes mes forces pour que vous puissiez les exprimer
Voltaire





Un post sérieux aujourd'hui.

Il a beaucoup été question de l'allocution du président iranien Mahmoud Ahmadinejad à l'université de Columbia de New York.

Pour ceux que cela intéresse, vous trouverez ICI les video sur Youtube, et ICI la transcription de toute la discussion (tout ceci en anglais).

Je voulais commenter modestement quelques éléments sur cette séance de questions-réponses. Et plus précisément l'introduction de Lee Bolinger, car c'est pour l'essentiel ce qui fait débat

Il est d'usage que le président de l'université qui accueille fasse une introduction.
Que l'on soutienne le régime actuel en Iran ou non, les positions et déclarations de son président ou non, celui-ci est l'invité de Columbia au même titre que Vaclav Havel l'an passé, et il a donc droit à une introduction en bonne et due forme.
Commençons par mon sentiment "civique". A l'écoute de cette introduction, j'ai tout de suite pensé au superbre film de George Clooney "Good Night and Good Luck", film dont le sujet est la critique par Edward R. Murrow des procédés du Sénateur Mc Carthy. Le discours est analytique et propre, froid et direct, élégant et chirurgical.

Le questionnement franc et précis sur les positions de Mahmoud Ahmadinejad est à l'honneur de Bollinger. Il est encore plus brillant lorsqu'il se fait Voltaire, en affirmant qu'il est beaucoup plus important et riche d'enseignement de laisser s'exprimer Mahmoud Ahmadinejad au titre de la liberté d'expression, plutôt que de faire un embargo intellectuel. Tel est la liberté, laissez la parole à son ennemi plutôt que le baillonner.

Ce qui me gêne, c'est d'abord la posture americano-centrée. A un moment donné, Bolliner place son discours sur le chapître Iran vs. USA. Il parle, à titre d'exemple, du soutien au terrorisme dont sont victimes les soldats américains, et par conséquents leur familles. Or les USA sont actuellemt embourbés dans une guerre illégale puisque déclenché en dehors d'un mandat des Nations Unis. L'exemple eut été à éviter.... C'est ensuite le caractère forcément "américain" du génie de la liberté d'expression. Il n'est pas américain, il est international, démocratique. Il est la preuve que la plus grande qualité d'une nation est de laisser parler tout ceux qui le souhaitent, quel que soit l'absurdité ou la violence de leur propos. Ce n'est pas américain, c'est simplement la liberté.

J'aurais enfin trouvé brillantissime Lee Bollinger s'il s'était placé à la fois dans un posture d'intellectuel, et non de procureur. Il est évident que le président Iranien et le président de Columbia ne pourront JAMAIS s'entendre sur les questions soulevées par ce dernier, et que je soutiens bien évidemment. Finir par un commentaire tel que "Frankly -- I close with this comment frankly and in all candor, Mr. President. I doubt that you will have the intellectual courage to answer these questions. But your avoiding them will in itself be meaningful to us. I do expect you to exhibit the fanatical mindset that characterizes so much of what you say and do." est en revanche dommageable à sa rhétorique. Non pas qu'il ait tort dans le fond, il a mille fois, cent mille fois raison. L'accusation dessert son propos. C'est cela qui crée mon trouble, car on perçoit de a colère dans son discours, quand de la hauteur eut été bienvenue. le sentiment final est que Bollinger donne une leçon.
Alors qu'il plaidait pour une écoute, une liberté de parole, il clôt son introduction par une sanction définitive, qui finalement var servir Ahmadinedjad en le plaçant en situation de victime.

Je reste pour autant bluffé par ce qui s'est produit. Qu'un dictateur est tribune ouverte dans l'une des plus grandes universités d'une grande démocratie est un moment rare. D'autant plus rare que la diffusion fut assurée par C-SPAN (la chaîne parlementaire américaine). Si Hitler avait pu s'exprimer de la sorte, peut-être n'aurions-nous pas connu Munich et ce qui s'en suivit....

Je terminerais sur Ahmadinedjad. Pour dire que la rhétorique employée est celle d'un ecclésiastique. Aucune réponse aux questions, mais systématiquement un renversement de la problématique. Pas d'éclairage sur un mode de pensée orientale par rapport à une logique occidentale, non. Juste un néant obscurantiste couvert par une parodie d'intellectualisme. Rien à en retenir, à moins qu'il n'ait fallu aller au bout des questions, j'avoue je n'ai pas eu le courage. De toute facon, et depus Saint Augustin, j'ai systématiquement de la méfiance dès qu'un religieux se mêle de science.... Mais cela est un autre débat....

2 commentaires:

csrollyson a dit…

Merci pour ta commentaire, Pierre. Je n'ai pas vu cet entretien, mais j'ai lu les articles qui ont donné l'analyse. J'ai eu honte à cause de la conduite du président de Columbia, exactement pour une des raisons que tu as donné. Il ne s'est pas intéressé par créer une conversation hônnette. Je me serais attendu à un tel comportement par un bouffon. C'est triste parce que, quand on a des présidents universitaires que se comportent comme ça, on a des vrais ennuis.

A+

Estelle Paris a dit…

hello Pierre, je découvre ton blog en lisant ce post fort interessant qui m'évoque les limites de la tolerance, entre émotions et intellect. comme quoi même un président d'université peut avoir une position intellectuelle fort ouverte (inviter un tel dirigeant) mais se laisser emporter par ses émotions personnelles au détriment de son message ! dommage vraiment mais terriblement humain sans doute...
bises et à bientot j'esperea